TU POURRAS TOUJOURS COMPTER SUR LA FAMILLE
« Si un jour tout s’écroule autour de toi et que tu n’as plus d’espoir, il y a une chose sur laquelle tu pourras toujours compter, c’est la famille. » Cette phrase qui se voulait structurante et rassurante a finalement signé mon engagement au silence, mon mutisme pendant 10 ans sur ce traumatisme qui dura quatre années, et dont les plaies brulent encore aujourd’hui, 20 ans après.
Cet oncle, admiré de tous pour ses engagements au service des autres, son sens des responsabilités, sa gestion des réunions de famille et son poste à la direction d’une grosse entreprise, m’a dévoilé sa face cachée, manipulatrice, parvenant sans difficulté à faire de moi sa proie, son objet de jouissance, encore et encore.
Il aura fallu puiser une énergie au plus profond de mon être pour grandir avec ces blessures, et découvrir l’Autre dans sa différence, apprendre à apprivoiser son regard sur moi, ses gestes facilement mal interprétables, à redonner peu à peu ma confiance aux hommes d’une façon générale, à vivre avec ces cauchemars qui persistent toujours… Et aujourd’hui, ces questions « Qu’est-ce que je transmets, malgré moi, de ce que j’ai vécu à mes enfants ? », « Comment protéger les miens pour que, jamais, ils ne soient victimes ? » Je fais confiance au temps et au un long travail thérapeutique entamé depuis plusieurs années pour que la colère, véritable volcan en moi, s’apaise et me permette, un jour, de refermer le livre sombre de ce traumatisme.
Charlotte
J'AI PERDU EN L'ESPACE D'UNE HEURE, L'ENFANCE, L'INNOCENCE ET LA FOI
L’écorce du vieux cèdre râpe ma joue droite et sa brûlure me ramène à la vie. J’ai grimpé sans le savoir tout en haut, La septième branche est devenue mon refuge. C’est une des plus hautes, la dernière qui puisse supporter mon poids en pliant sans casser. Les autres sont fragiles, souples ; celle-ci, par une singularité de la nature, est incurvée vers le bas à sa base, près du tronc. Cela lui donne un air de fauteuil, de trône même, modelé pour moi et cette attention particulière dont je suis seule à posséder le secret nous unit dans une complicité aussi mystérieuse que singulière.
C’est un arbre majestueux, un cèdre du Liban, planté au siècle dernier dans une allée qui conduit à la demeure. Il est beau mais ils le sont tous, chacun différent, chacun semblable à l’autre à la fois. Mais lui, le quatrième, le vieux cèdre est particulier. En cette fin d’après midi, il joue de ses branches lentement comme un bercement, comme pour me consoler, donnant à mon cœur meurtri l’espérance d’une vie autre. Il sera à partir de ce jour là l’unique confident de mon malheur, de ce cri muet qui gronde en moi après avoir perdu, en l’espace d’une heure, l’enfance, l’innocence et la foi.
Véronique
LA VERITE LIBERE !
Le drame de l’inceste ne se limite pas aux actes effroyables subis jour après jour, mois après mois, année après année. Il se poursuit toute la vie avec ce virus qui nous a été inoculé enfant et qui se développe tout au long de notre vie d’adulte à travers d’innombrables séquelles physiques, psychiques, sociales et spirituelles. C’est si lourd, si compliqué, si handicapant… et si caché ! Car nous, les victimes, nous subissons la double peine. Après avoir survécu tant bien que mal à ces années de crimes et de terreur, il nous est demandé de nous taire, d’aller bien, de ne rien montrer, de ne pas déranger. Si l’on prend la parole, on devient coupable ; si l’on se plaint, on nous prie de nous prendre en main et de ne pas regarder en arrière ; si l’on désigne l’agresseur ; on nous martèle qu’il faut pardonner et donc oublier.
Mais le pardon n’est pas l’oubli. Le temps passé n’implique pas le déni de justice. Le regard sur nos blessures ne se confond pas avec un apitoiement sur notre passé mais avec la souffrance de notre présent. Notre lutte pour survivre ne devrait pas nous contraindre à la solitude, au rejet, à l’incertitude…
Quel cauchemar ! Faut-il pour autant désespérer ? Non. Il existe des mains tendues, des clins Dieu sur nos chemins. J’en ai témoigné dans un livre (Je suis un risque de Marie-Philothée Mallais, aux éditions du Cerf) en espérant que cela aiderait d’autres victimes et leur entourage. Il faut parler, dire, expliquer, casser le mur des secrets et des mensonges, car « la vérité vous rendra libre » (Jn 8,32)
Marie-Philothée MALLAIS
SON SECRET EST MORT AVEC LUI
J’ai 34 ans. Un jour, alors que je me promenais avec mon père (il avait sa carabine pour tuer des oiseaux), il m’a dit : « Regarde les oiseaux et ne te retourne pas. » J’avais 4 ou 5 ans. Je cherchais l’oiseau, mais je ne l’ai pas vu. Alors, je me suis retournée… et j’ai vu mon père en train de se masturber derrière moi.
À cet âge-là, je savais déjà que ce n’était pas normal. Comment pouvais-je le savoir ? Pourquoi avais-je déjà cette conscience que quelque chose était mal ?
Après ce jour, j’ai cessé de vouloir me promener avec lui. Puis, les années suivantes, tout s’est fait par étapes. Il me regardait sous la douche, je me sentais observée en permanence. Ses câlins et ses bisous ne me semblaient pas innocents. Jamais je n’ai connu un véritable geste d’affection paternelle. J’ai toujours vu en lui le pervers qu’il était. Dans son comportement, j’avais l’impression d’être sa femme, pas sa fille.
Ensuite, il a commencé à vouloir me contrôler : comment je m’habillais, avec qui je parlais… Il m’interdisait de discuter avec des garçons, sinon j’étais une « pute ». Puis sont venues les demandes de masturbation. Quand je lui demandais pourquoi il faisait ça, il répondait simplement : « Je ne sais pas. »
Ses mains profitaient toujours d’un instant pour me toucher : mes seins, mes fesses… Ma mère l’a vu. Et je me demandais : « Tu ne vois pas, maman ? C’est normal pour toi ?? »
Un jour, il m’a dit d’aller dans ma chambre. Il m’a ordonné de me déshabiller. J’ai refusé. Mais c’était mon père… et j’avais peur de lui. Il a retiré mon pantalon et m’a dit : « Je veux voir si tu es vierge. » Le pire, c’est que je l’ai cru.
Après une minute, j’ai compris que ce n’était pas normal. Je lui ai dit d’arrêter, mais il n’a pas écouté. Je ne me souviens pas de la première fois où il m’a pénétrée, tant le traumatisme est profond. Mais des autres fois, oui, je me souviens. De mes 5/6 ans jusqu’à mes 20 ans, j’ai été sous son emprise.
Je ne voulais jamais être seule avec lui, mais il trouvait toujours un moyen de m’éloigner de ma mère. Il prétextait une course, un détour, et sur la route, il s’arrêtait dans des endroits isolés…
J’ai une sœur, de 8 ans ma cadette. Je lui disais sans cesse : « Reste avec moi, ne me laisse pas seule avec papa. Un jour, tu comprendras. »
Un jour, elle a compris.
Elle m’a appelée et m’a dit : « J’ai compris ta phrase… Papa a pris ma main dans le lit et l’a mise sur son sexe… » J’ai paniqué. Je l’ai appelé et je lui ai dit que s’il touchait un seul cheveu de ma sœur, j’appellerais la police. Il a compris que je n’étais plus la fille qui avait peur. Et grâce à moi, ma sœur n’a pas subi le même sort.
Je n’ai jamais connu l’amour d’un père. Pour moi, chaque contact, chaque regard était teinté de perversion.
J’ai révélé mon secret à ma mère le jour de la mort de mon père. J’avais 25 ans. Mais elle a fait semblant de ne pas comprendre. Encore aujourd’hui, je me demande : « Est-ce que tu savais, maman ? »
Sa réaction ne m’a pas étonnée. Elle n’a pas voulu en parler. Il est mort, et personne ne sait ce qu’il m’a fait. Son secret est enterré avec lui. Mais moi, je souffre chaque jour avec ce secret.
Dépression, blocages sexuels, douleurs abdominales, flashs incessants… J’ai des enfants (11 et 13 ans) et je sais que jamais je ne leur dirai que leur grand-père a violé leur maman. Je ne veux pas leur faire porter ce poids.
Merci d’avoir lu. J’ai essayé d’écrire vite, mais il y a encore tellement de choses que je n’ai pas dites…
Papoila
ABUSE PAR GRAND-MERE
COMMENT VIVRE AVEC CA ?
C’est tellement difficile de dire ce qu’on a sur le cœur quand on a vécu des choses aussi douloureuses, qui nous hantent encore aujourd’hui.
Je vais commencer par le début… J’ai grandi dans une famille recomposée. Ma mère avait déjà eu des enfants d’un autre homme que mon père. J’étais la seule enfant de mon père, et ma mère avait deux filles et trois garçons avec d’autres hommes. Tout a commencé quand j’avais 4 ou 5 ans, j’étais très jeune. Mon frère a profité de moi pendant que je dormais. Il touchait mes pieds et se masturbait avec… Il se frottait contre moi, et j’ai aussi été forcée à le masturber. Cela a duré jusqu’à mes 14 ans.
Quand j’avais environ 8 ans, j’ai parlé de ce qui m’arrivait à ma mère. Elle m’a traitée de menteuse et m’a dit de ne plus jamais en parler. J’ai été dévastée. Ma propre mère a préféré croire mon frère. À partir de ce moment-là, je n’ai plus jamais évoqué cette situation et je me suis laissée faire pendant toutes ces années. Mon comportement s’est dégradé, je me sentais seule et incomprise. J’étais constamment stressée, et j’ai même eu un zona vers mes 12 ans, tant j’étais mal. Mais personne ne m’a aidée. Ma mère me disait que j’étais folle, que j’avais un problème, et elle m’a emmenée voir un psychologue. Mais, par honte et par dégoût envers moi-même, je n’ai rien dit au psychologue. Pourquoi parler de tout ça et risquer de nouveau d’être accusée de mentir ou d’être jugée ?
Je n’ai pas osé en parler une fois de plus. Ma psychologue avait bien vu qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas et a suggéré à ma mère de m’envoyer vivre ailleurs, de changer d’air. À 14 ans, je suis donc partie vivre chez ma sœur, dans le sud et j’ai commencé à me sentir mieux.
Mais, comme on dit, le passé finit toujours par nous rattraper. Aujourd’hui, à 22 ans, je ne peux plus vivre avec tout ça. Je me dégoûte et j’ai honte de moi. Je n’en peux plus de penser à tout cela chaque soir. Devant les autres, je garde le sourire, mais mon cœur est brisé en mille morceaux. Je fais des efforts pour avancer, mais je sens que je suis constamment en recul. Je lui en veux tellement à ma mère, même si elle essaie d’être présente pour moi maintenant. C’était quand j’étais plus jeune que j’avais besoin d’elle, et c’est trop tard. Je ne pourrai jamais lui pardonner ce qu’elle m’a fait subir pendant toutes ces années.
Je me sens comme si cette douleur allait me hanter toute ma vie. Ces cauchemars me suivent encore, et je me demande si un jour, cela cessera. J’ai déjà eu des rapports sexuels, mais depuis plus de deux ans, je refuse que mon copain me touche. Je ressens du dégoût, de la rancœur, et c’est plus fort que moi. Il essaie de comprendre, mais je me demande combien de temps il va pouvoir tenir. Je sais qu’il doit en souffrir aussi, même s’il ne me le dit pas forcément mais il doit même m’en vouloir au fond..
Bref j’ai décidé que je ne porterai pas plainte. Ce n’est pas de la faiblesse, il est papa aujourd’hui et je pense à mon neuveu et aux autres personnes de ma famille, je n’ai pas envie de tout détruire et faire des histoires. Mais je ne lui parlerai plus et ne le reverrai plus !! Je compte en parler petit à petit pour me libérer de ce poids que j’ai sur le cœur depuis des années. Je sais que je n’oublierai rien, je devrai vivre toute ma vie avec ça mais je compte bien être forte, et essayer d’avancer comme je peux…
Océane
VERS LA GUERISON
J’ai été violée toutes les semaines par un oncle pendant un an à l’âge de 6 ans. C’est un vieux garçon de 40 ans mon aîné.
Nous vivions avec mes parents et ma petite soeur quelques temps chez ma grand-mère et cet oncle dans cette grande maison, le temps que mes parents montent leur affaire.
Ils travaillaient très dur jusqu’à très tard, alors il attendait que ma grand-mère soit couchée et endormie, et ma soeur bien endormie pour venir dans ma chambre et partait avant que les parents ne soient de retour.
Chaque nuit était une angoisse. Son odeur, sa respiration, le poids de son corps me dégoutent encore aujourd’hui. Je ne pouvais rien dire car je savais que mes parents travaillaient dur pour qu’on ait enfin notre chez nous, que maman ne se remettrait jamais de n’avoir rien vu et que papa finirait en prison pour avoir tué ce monstre. C’est aussi pour ça que je m’appliquais à ne rien laisser paraître, rien n’était plus faux que mon sourire. Puis j’ai fini par me convaincre que si je me laissais faire, il ne toucherait pas ma soeur. Alors mon esprit divaguait pendant ces agressions..
Nous avons enfin déménagé, ça s’est arrêté, quand nous allions visiter grand-mère, je ne lâchais pas ma soeur d’une semelle et restais près de maman. Je sais qu’il nous guettait mais il ne pouvait rien.
Aujourd’hui, 20 ans plus tard, je vis loin de ma famille et ça me va mais je n’accepte pas mon corps, je ne suis pas à l’aise lorsque que mon homme me dit qu’il a envie de moi alors que moi aussi. Du coup je culpabilise. Il m’a un jour tout bêtement demandé si j’avais déjà subi un traumatisme. J’ai avoué à demi mot … Il a essayé de me rassurer en me disant qu’il m’aimait et encouragé à témoigner ici. Mais je culpabilise deux fois plus qu’il se sente triste pour moi, je ne me sens pas à la hauteur de la relation car je me sens anormale, quelque chose est mort chez moi. Je sens que je ne serai jamais la femme qu’il mérite, ni même celle que j’aspire à devenir car cet homme l’a tuée. Il y a quelques semaines, ma soeur m’a avoué qu’il avait aussi abusé d’elle aussi dans notre nouvelle maison quand il savait qu’elle était seule. Encore de la culpabilité… je ne sais pas comment j’ai fait pour imaginer une minute que si je le laissais faire il ne toucherait pas ma soeur et que notre nouvelle maison était un endroit sûr. Un pervers est un pervers il trouvera tous les stratagèmes possibles et imaginables pour assouvir ses pulsions, comme proposer de faire des travaux à la maison pendant que ma soeur était seule…
Ça me dégoute… Une part de moi me dit d’aller consulter une autre me dit que ma vie est déjà brûlée. J’ai mis fin à ma relation parce que rien ne va plus de mon côté depuis que j’ai dit ce qui m’était arrivé. Vivre dans le déni était plus simple mais pas sain, aujourd’hui je dois regarder ma vérité en face et la surmonter, pas de retour en arrière possible. Dans mes bons jours je m’en sens capable mais j’ai encore besoin de courage et de force intérieure. Je me sens essoufflée par la vie à même pas 30 ans, ce qui me retient de partir c’est que je ne veux pas faire de peine à ceux qui m’aiment, ils ne comprendraient pas, et que je n’ai pas le cran de passer à l’acte. Aussi, j’exerce un métier qui me permet d’être à l’écoute des autres. M’occuper des autres me fait du bien, je sais trop bien ce que ça fait de se sentir seul malgré soi dans une telle situation.
Mais je sais que pour enfin vivre ma vie pour moi, être une bonne mère plus tard, je dois m’occuper de moi et me faire aider. J’ai l’intuition que quelque chose est brisé mais que je pourrai construire quelque chose de nouveau.
Petite Hibiscus
CONJOINT
Je vis depuis 5 ans avec une femme, « une survivante » qui a été victime d’inceste pratiqué par son frère pendant 13 ans sur elle.
Moi, bêtement, je ne voyais que l’ horreur des chiffres et des actes sans comprendre qu’elle avait le syndrome de Stockholm.
Alors que dès notre première discution elle m’avait dit « j’ai été violée par mon frère, il ne faut pas lui en vouloir » cela aurait dû me faire tilt.
Lors des réunions de famille elle était complice, en dialogue avec lui, cela me faisait mal. Pourquoi autant d’attachement ! Sur les photos de famille il n’y avait que lui avec elle. Alors que sa petite soeur, victime comme elle, évite toute réunion de famille.
Au bout de 5 ans, je comprends mieux quand je vois comment une femme violée est détruite. Heureusement que le syndrome de Stockholm se met en place pour se reconstruire ou pour « survivre ». Le psy trouve comme seule solution dans la thérapie « parlez à votre famille » mais ma femme pour protéger sa maman de 80 ans. « Je peux le comprendre ». Alors que cette famille n’a rien vu ou voulu voir pendant 13 ans trois fois par jour !
C’était juste un témoignage d’un garçon qui veut reconstruire une femme beaucoup trop tôt.
Stéphane 50 ans
PENDANT DES ANNEES, J'AI SUBI LES ATTOUCHEMENTS DE MON GRAND-PERE
Pendant des années, j’ai subi les attouchements de mon grand-père maternel. Il habitait loin et heureusement (il habitait en Espagne) mais il venait régulièrement en France. J’ai subi tous les attouchements et les masturbations de l’age de 5 ans jusqu’ à 10 ans car il est mort quand j’avais 10 ans ! Cela se passait uniquement en France. Pourquoi ? Je ne le saurai jamais ! J’ai commencé à prendre du poids à l’ age de 6 ans et j’ ai énormément grossi (obésité morbide). Actuellement j’ai perdu 44 kg grâce à un régime et une hyperthyroïdie. Je continue de maigrir (j’ ai eu le déclic à presque 50 ans). Je veux réussir à perdre tous mes kilos et prouver que l’on peut réussir à se reconstruire malgré le mal qui a été fait !
Lisette
JE SUIS VICTIME, JE N'AI PAS A M'EN EXCUSER, LE PROBLEME C'ETAIT EUX !
Mon frère, l’homme de la maison, 5 ans plus âgé que moi, m’a volé l’innocence de mon enfance et l’autre partie fut volé par ma mère… l’un par inceste (de mes 7 ans à mes 13 ans), l’autre par maltraitance psychologique. La protection de mon frère et le dénigrement, l’accusation de mensonge, la culpabilité, les insultes pour le protéger et se protéger elle-même…
Les proches finissent parfois par vous détruire par leurs réactions/actions/et surtout non actions/réactions. Ils m’ont volé beaucoup de choses mais pas ma volonté de m’en sortir. Ils ne m’ont pas totalement détruite, j’ai réussi à voir que j’étais plutôt une battante et comprendre finalement que je suis une victime et que ne n’avais pas à m’en excuser.
Aujourd’hui je ne suis pas guérie, on ne guérit jamais, on garde des cicatrices. Mais on avance avec… et surtout on est là, et ça c’est déjà un grand courage.
Emma
ENFANCE VOLEE
Bonjour ou bonsoir,
A ce jour, j ai 63 ans, je suis une enfant de la Ddass, j’ai été placée en famille d’accueil à la naissance, nous étions 11 dans cette famille. Vers l’âge de 7 ans nous n’étions plus que 3, 2 garçons et moi. Le père s’est mis à me tripoter et me sucer partout, surtout la poitrine.
A l’école, je dessinais beaucoup et vers 10 ans, mes dessins et mes récits étaient compréhensibles. Les dessins étaient plus précis. J’avais un cahier uniquement pour ça. Le cahier était caché dans mon casier, je ne le sortais que quand les leçons étaient finies. Je ne parlais pas, il ne fallait pas que cela se sache, et comme de mon temps c’était classe unique du CP au CM2, le cahier restait dans le casier.
Puis sont venues les caresses pour lui et il me mettait le doigt dans les fesses jusqu’au jour ou j’ai saigné.
J’ai osé en parlé à Monsieur le curé après le catéchisme car je n’avais pas confiance dans le maître d’école. Le curé m’a dit : « Reste là ». Il a téléphoné a la Ddass, rien n’y a fait.
A cause d’un vol dans la classe, le maître nous a ordonné de nous lever les mains sur la tête et a fouillé tous les casiers. J’ai eu si peur et j’ai ressenti un tel stress que j’ai uriné.
Je me suis enfuie de l’école. Les gendarmes prévenus m’ont retrouvée et m’ont mise en sécurité. Le maître leur avait donné le cahier.
Une longue histoire pour moi et trés courte pour lui qui s’est suicidé avant le procès. Je n’ai jamais, au grand jamais voulu retourner en famille d’accueil. Je suis restée en foyer jusqu’à ma majorité. J’ai été bibliothéquaire en école mais cela reste à vie surtout quand il n’y a pas de procès, vous restez victime à vie.
Michelle
QUEL TITRE DONNER A TOUT CELA, IL Y A TANT DE MOTS/MAUX IMPACTANTS, TRAUMATISANTS
J’ai été violée par mon frère, j’étais en CM2/6ème. J’ai 53 ans, j’ai déménagé 26 fois, j’ai peur du noir et des portes closes, je n’aime pas les portes en général.
J’ai un trou de mémoire de plus de dix ans. Je me souviens de son sperme dans mon lit, je me souviens de cet argent qu’il me donnait, je me souviens de son sexe essayant de me pénétrer, de cette douleur, je me souviens de ses mots qui me disaient que tout était normal, de ses mains qui me tripotaient, je me vois recroquevillée dans mon grand lit, apeurée chaque nuit. Je sais qu’il y a un truc pas net mais c’est mon grand frère et il a tant de mots qui me font taire et accepter cela. Il m’aime.
Jusqu’au jour où je me réveille, comme si j’avais été sous emprise, lobotomisée. Je comprends, j’ai honte, je me sens responsable alors je mène mon combat seule et je me détruis à petit feu de la 6ème jusqu’à mes 25 ans car il ne me viole plus mais il est là, jaloux, possessif, il me surveille, je suis toujours sous son emprise. Je commence à sniffer de l’éther, de l’eau écarlate, de fumer des pétards. A la moitié de 5ème je change de collège et je finis dans un autre. Je vole, je mens, je brûle de l’intérieur. Ma soeur (je ne sais plus si c’est moi qui lui ai dit) en parle à ma mère mais elle ne me croît pas au début. Je fais tellement de conneries alors une de plus, un mensonge de plus…
Puis on m’emmène voir un psychiatre dans un hôpital de fous et je me retrouve devant ce mec, un psy con indélicat et ma mère à mes cotés complètement dépassée et larguée. Je vois tous ces malades dans les couloirs, ces plaintes et j’ai peur qu’on me laisse là. Ensuite c’est les psychologues. Mais du côté familial, tout doit rester au placard, ne rien dire à mon père, tout taire, faire comme si de rien n’était, continuer à vivre. La vie continue. L’autre, il n’est plus là, il fait sa vie, c’est « relâche » mais moi je continue à me détester, à faire chier tout le monde. J’en prends pour trois ans dans une collège privé, des bonnes soeurs de partout et rien que des gonzesses. Pour un CAP de sténo dactylo. A dix huit ans je me casse et je dors à droite à gauche, je fume une quinzaine de pétards par jour, je commence à boire, je m’allonge pour ne pas dormir au froid, je tombe amoureuse aussi mais finalement c’est un mec qui veut me mettre sur le trottoir et je me retrouve enfermée pendant des jours et il me viole à plusieurs reprises. C’est mon beauf qui vient me sortir de là. Je continue à déconner, à provoquer, j’ai une telle haine ! De moi, de l’autre… Je fais quelques tentatives de suicides, plûtot des appels au secours… J’ai un gun dans le tiroir de ma commode. Je prends du lexomil, du tranxène, de l’alcool, des pétards… je me retrouve dans un champ dépenaillée, je ne sais même pas qui m’est passé dessus… Y’en aurait à raconter…
Et puis il réapparait, il est marié et il a des enfants. Et il me tabasse parce que je ne suis pas venue lui dire bonjour en premier. Et puis il me dit qu’il m’aime toujours et encore et qu’il est prêt à quitter sa femme et ses gosses pour vivre avec moi et m’épouser. Je fuis et je fuis toujours. Je suis acculée par la famille qui me dit que je dois pardonner, ça dure des années. Ils ne savent pas tout ce que j’ai subi et ce que je subis encore mentalement. Il a une telle emprise. Et puis un jour je pardonne pour faire plaisir parce que j’en ai marre d’être mise de côté et d’entendre parler du pardon. Puis je décide de dire stop. Je prends la décision de ne pas lui pardonner et je demande à ma famille de ne plus me parler de lui et de ne plus être mise en sa présence. Je coupe les ponts avec tout le monde d’ailleurs pendant un temps. J’en veux tellement à ma mère aussi. Mon père à su ce qu’il s’était passé, j’avais 20 ans et il n’a pas voulu le croire. Il m’a crue il y a 5 ans car il a posé la question à son fils. Il n’a pas été renié de la famille, personne ne lui a cassé la gueule non plus, je n’ai pas porté plainte car ma mère n’a pas voulu dans un premier temps et ensuite j’avais une telle pression de ma mère et d’autres personnes de ma famille que je ne l’ai pas fait. Un jour j’ai voulu mais c’était trop tard, qu’est-ce que j’aurais aimé qu’il soit puni.
Je viens de le revoir il n’y a pas si longtemps pour les 80 ans de mon père et j’ai demandé à ma soeur qu’il ne m’approche pas et qu’il ne me parle pas. Je l’ai revu il y a peu car mon père a eu une grosse intervention chirurgicale et ça ne s’est pas très bien passé donc j’ai dû faire un aller-retour dans sa voiture, tous les deux mais il avait pour consigne « aucun contact » et « rien sur le passé ». J’ai échangé avec lui de choses et d’autres, ça a été épuisant, dur, un combat en moi. Mon père était aux anges de nous voir réunis et ma mère aussi alors j’ai fait semblant, pour eux une fois de plus et il y a deux jours, j’ai dit à ma mère avec qui je me suis réconciliée depuis longtemps, que je n’avais plus peur de lui et que je me sentais assez forte pour être dans la même pièce que lui si c’était nécessaire mais que personne ne devait rien me demander de plus.
Sabine
NE PAS DIRE POUR MES PARENTS
À 10 ans, mon frère aîné de 6 ans, soit 16 ans, a abusé de moi 3 ou 4 fois, attouchements, et moi aussi je devais le toucher au niveau de son penis. Cela se passait le samedi quand ma mère allait faire les courses. Il me demandait de m’allonger sur la moquette entre son lit et le mur. Plusieurs fois j’ai pleuré pour accompagner ma mère aux courses, elle n’a jamais rien compris. Seule ma sœur de 3 ans de plus que moi m’a écouté et a demandé à mon frère d’arrêter. Fin de l’histoire pour eux, déni de ma part pendant 20 ans.
Puis à la naissance de mon 2ème enfant, un fils, tout m’est revenu en pleine tronche par des flashs. Dépression, envie de suicide. J’en ai parlé avec ma sœur et puis elle m’a confirmé les faits. Depuis, je vis avec, j’en ai parlé avec mon compagnon et des médecins, je suis atteinte de douleurs neuropathiques chroniques. Mon médecin algologue, traitement de la douleur m’a aidé à mettre un nom, je suis une survivante. Rien que ce nom m’a fait un bien fou, d’être reconnue. Je ne pense pas que je le dirai à mes parents, je les protège. Pour mon frère, j’avoue que le jeune homme n’a rien à voir avec celui qu’il est devenu, j’ai peu de contacts sincères avec lui, tout est très superficiel et c’est très bien. Je pense que c’est surtout la non-éducation sexuelle du garçon qui est en cause, la religion catholique aussi. Témoigner, ce serait aussi un éclatement de notre cellule familiale. Merci à toutes les personnes qui nous aident sans toujours comprendre mais l’intérêt c’est qu’elles soient là à nos côtés.
Valelec
INCESTE...
A 9 ans, j ai dit stop !
Car j’avais compris que les attouchements de mon grand-père, ses frottements sur moi avec son sexe en érection, ses doigts sous mon pyjama, ma main qu’il prenait pour la mettre sur son pénis, n’étaient pas normaux, le soir quand nous regardions la télé dans ce canapé avec parfois ma petite cousine. C’était à l’époque chacune notre tour dans cette obscurité où ma grand-mère ne pouvait rien voir de son fauteuil.
Tout cela, je l’ai compris dès lors que mon oncle, son fils, le frère de ma mère, a lui aussi essayé de me caresser un jour d’été où les robes légères de ma cousine et moi l’avaient probablement excité. Ce jour là, j’ai fui, j’ai compris, mais je n’ai pas pu l’empêcher de le faire à ma petite cousine …
Quand mon grand-père a réessayé sur moi ensuite, dans son atelier de bricolage, j’ai pu fuir enfin et le laisser dans la peur que je le dénonce à ma mère et ma grand-mère. Mais mon message n’a pas été compris, j’ai juste pu dire qu’il m avait « embêtée ».
En CM2, lorsque mon enseignant a essayé de me caresser un midi après la cantine, j’ai pu fuir aussi mais je n’ai pas pu aider ma copine de l’en empêcher et je l’ai laissée seule avec lui …
Ensuite, des années de silence… jusqu’au jour où le poids de ce silence est devenu trop lourd à porter. J’étais à la fac, je déprimais, je sombrais.
Un ami m’a aidée et m’a poussée à en parler à ma mère pour qui le choc fût rude. Puis nous avons protégé ma grand-mère par peur de la tuer de chagrin. Toute la famille a fini par être au courant, sauf elle.
Après quelques années, on a poussé mon grand-père à tout lui avouer lui-même. Il l’a fait sous la pression.
Puis un jour, je me suis retrouvée face à mon oncle pour lequel je n’avais encore rien dit, et tout est sorti, je lui ai rappelé les faits face à face, sans savoir ce qui allait en découler.
Ce jour là, sa fille, qui n’était pas née à l’époque de mes agressions, entendit ma colère face à son père et a enfin avoué à sa mère le soir-même qu’elle aussi avait été victime de son père pendant des années ainsi que de mon grand-père. J’étais abasourdie, folle de rage à l’idée qu’en ayant gardé le silence, j’avais permis à ces agresseurs de faire perdurer leurs actes sur d’autres victimes.
Ma colère me poussa à aller porter plainte un soir en sortant de mon travail, sans demander l’avis de quiconque, ça a duré des heures.
Mais hélas, le commissaire n’a pas fait son travail et j’ai attendu des mois qu’il me recontacte sans nouvelles. Je ne comprenais pas.
C’est lorsque ma cousine est allée aussi porter plainte dans une gendarmerie quelques mois après moi, que nous avons appris que ma plainte avait été perdue ! Et il a fallu que j’y retourne avec le même commissaire pour refaire ma déposition. J’étais outrée.
Des années après, mon oncle est mort en prison.
Par contre, mon grand-père qui avait pris une peine de surcis et de la prison ferme, n’a jamais mis un pied en prison, car soit disant trop vieux et mal en point. Il a fini sa vie tranquille dans une maison de retraite avec un bracelet au pied.
Nous n’étions pas les seules victimes, nous avons appris ensuite que d’autres enfants que ma grand-mère gardait avait subi la même chose des années avant ma naissance.
Mon oncle a aussi avoué et a déclaré avoir été lui-même victime de son père jadis, ainsi que ma mère qui était trop jeune pour se le rappeler.
La parole détruit l’illusion de toute une famille mais libère et permet la résilience. Elle est indispensable !
Parlez, n’ayez plus peur ni honte …
Stefani
INCESTE
j’ai aujourd’hui 57 ans et dernièrement j’ai suivi plusieurs séance EMDR pour prendre de la distance avec ce qui m’est revenu il y a quelques années tel un boomerang. On appelle cela une amnésie traumatique, ce que je ne savais pas.
Le commencement : un demi-frère de 10 ans mon aîné, un frère de 17 mois de plus que moi qui suis née en 1963, une famille « normale ». Entre mes 5 et 7 ans, mon père doit professionnellement partir en déplacement en semaine pour revenir les vendredis soir. Durant cette période, ce grand frère a abusé de moi, viols, attouchements s’arrangeant pour être seul avec moi. Il me faisait répéter de ne rien dire et au fond de moi je savais que c’était mal, la peur m’habitait. J’ai commencé à bégayer, perdre ma joie de vivre (ma mère me disait que j’étais joyeuse petite), et sur les photos de moi à cette époque mon regard reflète la tristesse. Tout s’est arrêté lorsque mon père a trouvé un emploi à proximité et repris une vie normale rentrant tous les jours.
Puis, mon cerveau avait mis ce traumatisme dans une boite pour me permettre d’avancer, ce que j’ai fait, études, travail, mariage, enfants mais toujours mal dans ma peau, anorexie, boulimie l’impression de combler un vide dans mon corps. Jusqu’au jour où à environ 37 ans je consulte des psychiatres pour m’aider dans ma boulimie et anorexie, pour m’en sortir. A réfléchir sur ce trou noir que je ne m’expliquais pas, un jour tout m’est revenu ; le choc ! J’ai enfin compris pourquoi le coussin sur la tête me rendait folle, pourquoi certains actes anodins me mettaient en colère, pourquoi ce mal être. Mon père étant décédé (et c’est tant mieux, il l’aurait massacré), j’en ai parlé à ma mère qui n’a pas compris et a mis en doute mes propos. Double peine…..
Aujourd’hui elle est trop âgée…. Ce qui ne l’a jamais empêchée de continuer à le voir. De mon côté, je n’ai jamais voulu être la responsable de l’éclatement de la famille mais mon mari, mes filles sont informées. Du fait que mon agresseur soit dans la région parisienne et moi dans le Sud met de la distance et dans mon fort intérieur, j’attends que ma mère ne soit plus de ce monde pour lui dire, les yeux dans les yeux, que je n’ai pas oublié. Ma grande victoire malgré le traumatisme qui m’a abîmée tant physiquement que psychologiquement, c’est que ma vie est plus belle que la sienne, ma vie sentimentale et professionnelle est mille fois plus réussie que la sienne que je trouve minable. Quand il m’est arrivée de le voir, sa minable vie a déteint sur lui. La thérapie EMDR qui m’a été proposée par le CHU a été efficace et m’a permis de mettre de la distance entre les évènements traumatiques et de créer ma petite zone de bien être dans mon cerveau où je peux me réfugier.
Anonyme
ON A DETRUIT L'ENFANCE DE MA FILLE
Je viens témoigner aujourd’hui pour ma fille de 10 ans, dire que je suis fière d’elle de son courage face à la Justice.
J’ai porté plainte pour attouchements sur ma fille par son père, la plainte a été classée sans suite faute de preuves. Je peux l’entendre, mais 3 ans avant la plainte, j’avais alerté l’assistante sociale sur le comportement agressif de ma fille, et les rougeurs à l’entrejambe quand elle revenait de chez lui. On me dira d’arrêter d’en parler. Un an avant la plainte, ma fille ne voudra plus aller chez lui et cherchera à se faire du mal pour ne plus y aller. Je vais alerter juge, et là, après une soi-disant enquête sociale, on dira que j’ai un conflit avec le papa et que je n’arrive pas à en protéger ma fille. Depuis, classement de la plainte. J’essaie de changer les droits de visites en visites dans un lieu sécurisé car ma fille subit des violences psychologiques chez son père, mais là encore on détourne nos paroles. J’ai eu des sous-entendus que l’on pouvait placer ma fille, tout cela parce que je ne me tais pas. Jamais le mot inceste n’a été prononcé et jamais on ne parle des attouchements. Pour moi, tout est fait pour cacher les choses, la vérité. J’ai le malheur d’avoir été victime de violences psychologiques pendant 8 ans par le père de ma fille, de ce fait on se sert de cela pour me rendre responsable finalement de toute cette histoire. C’est tellement plus facile. Quel rapport avec ce qu’a subi ma fille ?
Ce texte est juste un condensé de plusieurs années de démarches pour essayer de la protéger, seule contre tous. Courage à toutes les victimes, qui que vous soyez, et surtout ne vous taisez pas. On se bat contre des moulins à vent mais en tant que maman, je refuse de ne pas continuer pour ma fille .
Sabine
BONJOUR A TOUTES ET TOUS
Bonjour à toutes et tous,
Suite à l’article dans La Vie du 08/01/2021, je découvre ce site avec tous ces témoignages de personnes abîmées, mutilées dans leur corps, dans leur être… dès l’enfance et sont enfermées dans le secret (obligé par l’agresseur, d’inconscience, de protection psychique, de « sauvegarde » de la famille..) pendant des années.
J’ose rajouter le mien.
Peu après la décès de ma grand mère avec qui j’avais un lien très fort, j’ai 11 ans, mon grand-père me prend sur ses genoux, jusque là, c’est ok, j’aime être sur ses genoux lorsqu’il lit le journal. Sauf qu’il passe sa main sous le tshirt et caresse mes jeunes seins. Sidération. Il me dit qu’il ne fait rien de mal. Plusieurs fois cela se reproduit jusqu’à que je lui dise que ça suffit. Je n’ai rien dit à mes parents, c’est classé anodin en moi.
A 16 ans, je suis amoureuse d’un garçon d’un an de plus que moi et assez vite il me confie les viols et agressions sexuelles qu’il a subit 2 ans auparavant par son oncle, son tuteur. Mariage, j’ai 20 ans, Et me voilà embarquée dans une histoire d’amour où inconsciemment je souhaite l’aider à « guérir » de ses blessures avec tout l’amour que j’ai pour lui. Sauf que, c’est moi qui devient la personne qui subit les viols. La violence s’installe , alternant avec des temps très sympas qui permettent de croire que tout est possible, et la naissance de 3 enfants.
Après 23 ans ensemble, les enfants me formulant qu’ils étaient à bout et moi aussi. Les gendarmes viennent suite à une violence plus forte mais aucun rapport n’est fait, j’ose demander le divorce. C’était août 2011. J’ai 3 ados, des emprunts, pas de travail, il a vidé les comptes avant de partir, CMU, RSA, procédure de divorce bien compliquée bien évidemment. De plus, nous avons chacun une montagne de post trauma à sortir, à traiter. Accompagner mes enfants dans leurs quotidien, orientation, versement de tristesse de colère qui peuvent enfin voir le jour. J’ai porté plainte dès la séparation, classée sans suite. Un sursaut d’air frais d’être libre m’a fait boucoup de bien et à la fois, l’énorme peur d’être confrontée à lui par surprise est omniprésente et oppressante.
Dépression – hospitalisation
Il m’aura fallu 6 ans pour comprendre que le viol est un crime (prescription 10 ans), c’est plus grave que la violence, je porte plainte une deuxième fois, classée sans suite à nouveau. Le dossier est conséquent, je me porte partie civile et après 18 mois d’instruction, Monsieur est assigné aux Assises ! Grand écart de la Justice ! C’était fin 2019 et nous attendons une date (02.2021).
En 2017, j’ai demandé la nullité du mariage au droit canon de l’Eglise et là, pendant l’interrogatoire de 5 heures, les attouchements du grand père rejaillissent ! Comment vous dire le sursaut ? Comment connaitre le lien, s’il y en a un, avec ma vie de femme ensuite ? Comment avancer avec ce constat ? Comment traverser à nouveau la solitude dans laquelle j’ai été enfant et maintenant encore avec ça ? Qui est prêt à entendre ? J’ai 51 ans et mes parents doutent de ma conscience de ces faits. Comment envisager une autre relation amoureuse ? Mes tentatives avortent et me renvoient à cette image si difficile de me sentir sale, moche, difficile à vivre, hors normes, blessée.
Vendre la maison (du grand père où nous habitions), vider la maison et les souvenirs, énormes chantier tout aussi intérieur.
6 semaines de marche seule, 1300kms, vers Assise en Italie pour respirer, prier et me sentir pleinement vivante.
Accueillir que je suis une victime comme toutes/tous ceux qui ont écrit ici. Chemin de croix, long, difficile, tortueux, vertigineux parfois et conscientiser les impacts. Fort heureusement, après avoir travaillé avec plusieurs thérapeutes, j’ai trouvé un psychiatre avec qui ça passe bien, et surtout j’ai Dieu dans ma vie. L’envie de mourir est si souvent présente lorsque le combat pour avancer avec ce gros sac d’histoires meurtrissantes est trop gonflé de présence.
Dépression à nouveau.
Comment en parler ? Dès que j’aborde le sujet de ma séparation, beaucoup de personnes mettent en doute mes paroles puis lorsque l’annonce des Assises est arrivée, ces personnes ont eu comme enfin la preuve qu’ en effet, c’était grave et que je disais vrai. Mon réseau social s’est bien rétrécit, c’est trop impensable, inimaginable. c’est si tabou, sale et dans le milieu catho c’est encore plus délicat. Seul Dieu est mon compagnon de toujours, seul lui connait toutes les scènes, connait mon cœur et mon âme. J’ai osé porter cette histoire en justice car je suis fan de vérité et surtout pour que ces actes s’arrêtent, que mes enfants puissent être « libérés » par la reconnaissance sociale et judiciaire de la violence de leur père qu’ils ont vécue en ricochet.
Le cheminement de la justice est aussi un chemin de croix. Je ne sais pas encore comment je vais gérer la peine qu’encourt Monsieur (encore de la culpabilité de mettre à jour l’agresseur). Cependant je sais que lorsque la lumière de la justice sera faite, j’espère pouvoir fermer ce chapitre et m’émerveiller de la Vie à plein poumons !
Pascaline
ULTIME EFFORT
Bonjour,
C’est un ultime effort que je fais pour essayer de vivre une vie « normale »…
Témoigner de ce que m’a fait subir mon frère est très dur. Ca fait tellement d’années que je me tais, que j’essaie de faire comme si tout allait bien, mais depuis quelques mois, je n’y arrive plus. J’ai l’impression de toujours être cette petite fille qui a peur, qui se sent honteuse, sale… Je me sens tellement en colère mais cette colère je n arrive à la tourner vers la bonne personne. J’en veux à cette petite fille qui n’a pas fuit, qui n’a rien dit alors que je sais au fond de moi qu’elle n’y est pour rien.
Depuis aussi longtemps que je me souvienne mon frère a toujours été méchant avec moi, mais je faisais avec. Et un jour, il est venu vers moi plus gentil, plus attentif à ce que je faisais et c’est à ce moment qu’ont commencé ces attentions TROP GENTILLES. Au début, je n’ai rien compris et j’ai même apprécié que pour une fois c’était des caresses et pas des coups mais j ‘avais quand meme ce sentiment de malaise….Et c’est la que le route vers l’enfer a commencer….et cette culpabilité de ne pas avoir ete assez forte pour supporter que les coups et ne pas l ‘avoir laisser s’approcher si près de moi….
Morgane
C'EST MA FAUTE
Madame, nous nous permettons de mettre cet encart avant votre témoignage :
Vous faîtes une erreur, vous n’êtes pas coupable. Il n’y a qu’un seul coupable dans cette affaire, c’est votre agresseur. Vous n’êtes pas coupable pour plusieurs raisons :
Vous ne pouviez pas savoir que votre agresseur commettrait ces crimes sur ses propres enfants. La plupart des personnes victimes pense être la seule victime de leur agresseur.
Vous vous débattiez déjà avec le traumatisme profond que vous aviez subi.
Vous étiez muselée (« on n’en parlait pas dans ma famille »).
Il est important que vous en parliez. Pour quoi faire ? Pour vous faire justice, pour réparer la profonde injustice qui vous a été faite. Vous portez une culpabilité qui ne vous revient pas. Vous êtes VICTIME. N’hésitez pas à consulter notre carte interactive pour trouver de l’aide près de chez vous.
Bien respectueusement,
Constance de Ferrières – Psychothérapeute
J’avais neuf ans, j’étais naïve et ignorante de toutes les choses du sexe ! On n’en parlait pas dans ma famille !
Un petit cousin de ma mère, âgé de 20 ans arrive de Bretagne et devient salarié de mon père alors artisan. Pour l’aider, mes parents le loge pendant quelques mois. Quelques mois durant lesquels je subirais des attouchements sans comprendre ! De quoi je me souviens ? Cela me déplait, me met mal à l’aise … est ce qu’il me demande de me taire je ne sais pas ? Cela me semble flou… mais ce qui est sûr c’est que je n’en parle à personne.
Les années suivantes des rencontres régulières entre ma famille et la sienne continueront. Il est alors marié, a un premier enfant, un garçon puis une fille. Lors de ces rencontres il cherche tous les prétextes pour être seul avec moi et me toucher, l’entre jambe , mes seins naissants. Adolescente je peux échapper à ces réunions de familles qui me paralysent !
Plus tard cet homme divorcera. A mots couverts, à force de questionner mes parents je comprends que les causes de ce divorce sont les violences sexuelles qu’il a fait subir à ses deux enfants !!!
Et là c’est un effondrement : c’est ma faute ! Si j’avais parlé de son comportement avec moi ça ne serait pas arrivé à ses enfants.
Et encore une fois je ne parle pas ! Je ne suis plus une victime , je suis COUPABLE !
Cela fait plus de 50 ans et je me sens toujours coupable et responsable devant ces destins d’enfants brisés ! Est-ce cela que durant toute ma carrière d’éducatrice j’ai essayé de réparer ? Est ce pour cela que si souvent je m’arrive pas à parler des mes émotions avec ceux que j’aime !
Je pense que jamais je n’en parlerai une fois ce mail envoyé !!! Pour quoi faire ????
Miel
PORTER PLAINTE
Bonsoir,
Cet après midi, au détour d’une rue voisine à la mienne, une remarquable rencontre. Une personne qui milite pour que la voix silencieuse des victimes d’inceste devienne audible : cette personne s’appelle Agnès.
Sans aucune honte, je lui délivre naturellement mon passé meurtri dès l’enfance par un homme proche dans la famille qui n’est rien d’autre que mon demi-frère. Il m’a volé mon innocence, mon insouciance. Il m’a brisée de l’intérieur et m’avait alors condamnée à une mort intérieure.
Ça a été dur, compliqué de comprendre ce qui m’arrivait. Je vivais dans une famille où la sexualité était taboue, rien n’était expliqué.
Face à cela, les prédateurs sont dans un territoire qui leur est acquis. C’était mon cas dès ma plus jeune enfance malheureusement. J’étais très jeune, probablement 2 ans au vu des indications médicales et souvenirs de ma maman. Et ça a duré plusieurs années jusqu à fin du CM2 soit au total environ 9 ans.
Il était bien majeur lors des faits et donc condamnable.
Je ne rentrerai pas dans les détails de ces actes mais pour vous illustrer la gravité des faits, considérez qu’il m’identifiait à sa femme.
A la télé, je voyais bien que jamais il n y avait d’enfants avec un adulte dans de telles situations et ça commençait à me faire réfléchir.
Au moment où j’ai compris que ce qu’il me faisait était juste anormal, il a pris peur que je ne révèle le secret. C’est alors qu’il a quitté le foyer du jour au lendemain, sans donner de nouvelles.
C’était pour moi une libération. Je me sentais mieux. Mais j’étais bien meurtrie. Je m’étais renfermée sur moi-même et ne pensais qu’à étudier. Je fuyais le monde, les garçons, les regards. Je me négligeais volontairement.
Un soir, un reportage sur FR3 montrait des jeunes filles ou mères victimes enfant d’inceste. Elles expliquaient la nécessité de parler, de porter plainte contre l’agresseur autrement c’était comme une cocotte minute et qui finirait par exploser plus tard et gâcher toute la vie.
Je ne voulais pas cela. Je tenais malgré tout à m’en sortir. Je me suis alors confiée à mon frère le plus complice pour avoir conseil. Il s’est alors écroulé m’avouant avoir aussi été victime de la même personne. On s’est uni avec une même voix et on a pris le courage d’en parler à la famille.
Malgré le témoignage de mon frère, ma mère me rejeta car pour elle j’incarnais la honte de la famille. Elle pensait au regard des gens et des « on dit »… On venait de me tuer une 2ème fois.
Malgré encore cette épreuve douloureuse, j’ai pris le courage de trouver une psychologue pour me faire accompagner et après plusieurs semaines me voilà déposer plainte ! J’avais alors 18 ans.
La justice française n’est pas simple, ça met du temps. Mais ça vaut le coup car ça permet de nous réparer, nous, victimes. C’est un long chemin de croix mais qu’il faut assumer et surmonter. La vie est souvent cruelle certes mais elle vaut la peine d’être vécue.
Les Assises ont été pour moi un tremplin. J’étais arrivée avec une douleur, une tristesse intarissable. J’en étais sortie forte, sûre de moi et confiante en l’avenir.
J’ai pu enfin me sentir libérée pour renouer avec des histoires amoureuses et construire ma vie sentimentale.
Le fait qu’il ait été reconnu coupable, le fait que ma famille l’ait spontanément rejeté étaient pour moi ma principale victoire.
Vous, victimes d’inceste, n’hésitez pas à porter plainte pour vous libérer de ce fardeau qui vous consumera à petit feu si vous ne le faites pas. Ayez confiance en vous. Si vous lisez mon témoignage, cela signifie que vous cherchez une clé. Je viens de vous l’offrir.
Fatima
CHOISIS DONC LA VIE !
« La vérité vous rendra libres ». Comme je me la répète souvent cette phrase de l’Évangile!
20 ans pour oser faire éclater la vérité, pour enfin dire. Dire que quand j’avais 8 ans, mon frère de 4 ans mon aîné m’a violée. Régulièrement, à plusieurs reprises, et pendant environ 2 ans. Je n’avais pas le recul pour comprendre que ce qui se passait était grave. Et il a abusé de cela, de mon innocence. Il me disait de ne pas en parler. Il n’était pas méchant, gentil même. Il voulait soi-disant « jouer » mais savait parfaitement où il voulait en venir, et il y arrivait parfaitement. Je n’ai pas réussi à lui dire non. Je n’ai pas compris qu’il fallait dire non. Et c’est ainsi que je me suis sentie coupable et honteuse si longtemps…
Puis un jour, plus rien. Tout son « jeu » s’est arrêté. Les années ont défilé et ma tête a complètement chassé tout ça. Plus rien, ou plutôt très très enfoui.
Des années après, je suis lycéenne et lors d’une retraite, tout me revient en pleine face. C’est assez violent. Je me sens une moins que rien. Je vais rencontrer un prêtre pour me confesser et pour la 1ère fois de ma vie, j’en parle donc à quelqu’un. Et pour la 1ere fois de ma vie aussi, j’entends quelqu’un me dire que je suis VICTIME. Cela a un effet dingue ! (Il me faudra des années pour l’intégrer vraiment) Je comprends que dans cette épreuve qui me rattrape, le Seigneur me console et vient me redire tout son amour pour moi à travers ce sacrement et dans les paroles que le prêtre m’adresse. Je me sens sauvée par Dieu de tout ce mal qui ressurgit et que j’avais enfoui. Je comprends réellement que je crois en un Dieu d’amour.
Quelques années plus tard, à quelques mois de mon mariage, j’en parle enfin à mon fiancé. C’est une évidence pour moi de lui en parler et à la fois j’ai peur qu’il prenne peur. Lui choisira de « m’aimer encore plus » !
Durant toutes ces années, j’avance à petits pas pour me reconstruire. Je vois assez peu mon frère et ne suis pas proche de lui. Nous partageons des banalités. Le voir me gonfle, me crispe, m’énerve, me dégoûte parfois, me fait pleurer après,… mais devant lui je fais comme si tout était parfaitement normal. Je prends sur moi mais je sens que plus le temps passe et plus cela devient insupportable, invivable.
C’est enfin quelques années encore après, suite à la naissance de l’un de mes enfants que j’ai comme un déclic. Je ne peux l’expliquer. Cela aurait pu se passer 3 ans avant ou 10 plus tard, ou jamais, mais c’est maintenant. 20 ans après les faits. Mon mari a toujours respecté mon rythme pour vouloir/pouvoir en parler. Et là, je n’en peux plus de me taire, et j’en parle à mes parents et ma sœur. J’ai si peur de ne pas être crue par mes parents, eux qui sont si proches de mon frère. Je sais que ce que je vais leur dire va avoir l’effet d’une bombe. Mais je me lance. Ils me croient AUSSITÔT même si c’est effectivement un tsunami pour eux. Le chemin est long pour eux aussi… Mon frère reconnaît à moitié auprès de mes parents en minimisant au maximum. Auprès de moi, il nie, ne veut pas entendre parler « d’inceste » et tente de sauver son honneur. Je lui semble folle. Sa réaction adulte est d’une violence inouïe. Elle rajoute de la souffrance à la souffrance de l’enfance.
Je fais une autre retraite après ces révélations. C’est un vrai virage dans ma vie. Je comprends que même si mon frère nie et ne me demande pas pardon, je peux être capable de lui pardonner. Avec la grâce de Dieu. Le Seigneur m’invite en effet à CHOISIR LA VIE et non la mort. La bénédiction et non la malédiction. Cela me donne un cap, pour toute la suite de ma vie. Le chemin du pardon sera (très) long mais je peux dire aujourd’hui qu’il est entamé.
PAF